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06/11/2010

[TV Meme] Day 12. An episode you’ve watched more than 5 times.

Mine de rien, en réfléchissant sur ce 12e jour du TV Meme, je me suis rendue compte qu'il y avait finalement beaucoup d'épisodes de séries que j'ai pu regarder de manière quasi-compulsive ou que je visionne encore régulièrement de façon ritualisée. En fait, pour la plupart de mes séries préférées - et même au-delà -, j'ai toujours un, deux, voire trois épisodes clés, dans lesquels je vais naturellement lancer lorsqu'il me prend l'envie soudaine de renouer avec tel ou tel univers.

Immédiatement, me viennent à l'esprit les Celestial navigation (1.16), Noel (2.10), Election Night (4.07) ou encore 2162 votes (6.22) pour The West Wing (A la Maison Blanche). Mais j'ai également dû revoir plus d'une dizaine de fois le pilote de Deadwood. Et combien d'épisodes de Gilmore Girls, ma fiction anti-déprime par excellence, de They shoot Gilmores, don't they ? (3.07) à The Lorelais' first day at Yale (4.02), visionnage rituel de chaque rentrée universitaire ? Au-delà de ces valeurs sûres, de Severed Dreams (3.10) de Babylon 5 à Liars, Guns and Money (2.19 à 21) de Farscape, en passant par Collaborators (3.05) de Battlestar Galactica, ou encore Passover (2.01) de Rome... tant d'épisodes "cultes" à mes yeux. Tant de moments qui ont construit ma sériephilie. Ce ne sont pas forcément les meilleurs, ni les plus aboutis qualitativement parlant, mais ce sont ceux qui, inconstestablement, me procurent le plus de plaisir devant mon petit écran. Ceux à la fin desquels me prend soudain une folle envie de me lever et d'applaudir.

Pour aujourd'hui, mon choix s'est finalement arrêté sur un double épisode dont je connais désormais presque par coeur les lignes de dialogues, qui concerne une autre de mes séries fétiches : Doctor Who.

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Doctor Who
2.12/13 - Army of Ghosts / Doomsday

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Certes, j'aurais pu citer d'autres épisodes de Doctor Who, notamment Silence in the Library (4.08) qui est sans aucun doute le double épisode que j'ai le plus revu sur l'ensemble des cinq saisons qui composent à ce jour la série. Cependant, c'est sur Doomsday que j'ai choisi de m'arrêter. Pourquoi ?

Parce que cette conclusion la saison 2 symbolise à mes yeux tout ce qui fait de Doctor Who une fiction à part. Je confesse avoir regardé les deux premières saisons de manière très chaotique, entre difficultés techniques et mauvais timing, ce ne sera qu'ultérieurement que j'aurais l'occasion de revoir la saison 1 et une partie de la saison 2 dans des conditions acceptables (et accessoirement dans l'ordre). Mais, même si j'y suis parvenue de façon compliquée, ce final représente pourtant un véritable tournant dans la relation particulière que j'entretiens avec Doctor Who. C'est le moment où je suis réellement tombée amoureuse de cette série, où elle a cessé d'être un simple divertissement de science-fiction comblant le vide actuel du paysage téléphagique en la matière, pour devenir ce coup de coeur inclassable, associé à un étonnant sentimentalisme, et qui, dans ce registre, ne ressemble à aucune autre.

S'il s'inscrit parfaitement dans ces fins en forme d'explosion grandiloquente dans lesquelles Russell T. Davies excelle, ce n'est pas vraiment pour cet énième sauvetage de la Terre que Doomsday reste dans les mémoires. Cette conclusion parachève en fait toute la construction narrative d'une saison 2 entièrement tournée vers cette déchirure annoncée entre Rose et Ten. Car c'est aussi parce que les scénaristes en avaient méticuleusement posé les jalons, cultivant l'insouciance d'une relation qui ne pouvait pas être, que l'épisode put atteindre cette unique intensité bouleversante. Or, ce tourbillon émotionnel ainsi suscité reflète bien un des atouts majeurs de Doctor Who, la raison pour laquelle, au-delà de la qualité des scénarios, cette série est capable de toucher et de marquer tant de téléspectateurs : son unicité repose sur cette empathie hors du commun qu'elle est capable de générer.

Army of Ghosts et Doomsday incarnent en bien des points du pur Doctor Who version Russell T. Davies, dans ses forces et attraits comme dans certaines de ses limites. Mais cette conclusion est avant tout une de ces décharges émotionnelles qui marque. Un moment rare, d'osmose et de communion devant le petit écran, comme la téléphagie n'en offre finalement pas tant que ça, et qui se savoure et se chérit.

 

Le thème musical, inoubliable, de ce final :

 

Les adieux entre Ten et Rose :

03/07/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 13 : The Big Bang (series finale)


"Fezes are cool." (Le Docteur)

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Après une première partie de series finale qui avait su générer une forte attente et une grande anticipation, dans lesquelles se mêlaient, pour le téléspectateur, un suspense et une jubilation enthousiasmante, la seule interrogation, à l'amorce de ce dernier épisode de la saison 5, était la suivante : la conclusion allait-elle être à la hauteur des espoirs ainsi ? Pouvait-elle poursuivre dans ce sentiment enivrant teinté de démesure ressenti en découvrant l'alliance formée contre le Docteur ?

La première réaction engendrée par ce series finale aura sans doute été le réflexe, que l'on a tous eu, de relancer une seconde fois l'épisode, immédiatement après que le générique de fin se soit terminé. Parce que s'il y a bien une chose de certaine, c'est que, outre la recrudescence de la consommation d'aspirine suscitée par sa construction narrative, il était difficile de ne pas s'égarer dans les lignes temporelles fluctuantes et autres paradoxes régis par des lois très toujours très relatives.

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La résolution de l'intrigue va en effet adopter un format des plus déstabilisants, Steven Moffat nous plongeant sans ménagement dans les tourbillons du Temps. Passé, présent et futur se mélangent tels des concepts d'une relativité vertigineuse, se marquant et s'auto-influençant à travers un enchaînement d'évènements qui voit le Docteur tirer les ficelles, en digne chef d'orchestre. C'est peu dire que ce choix scénaristique génère autant de questions, qu'il n'apporte de réponses. Entre paradoxes temporels, anomalies réelles ou simplement logique incomprise échappant sur le moment au téléspectateur, il est difficile de parvenir à faire s'emboîter rigoureusement tous les détails dont le fil narratif principal regorge. Ce n'est d'ailleurs qu'au cours du second visionnage que j'ai eu l'occasion de m'attarder sur des points plus secondaires de l'intrigue.

Il faut bien avouer que l'épisode démarre sur les chapeaux de roue, nous laissant aussi interdit que notre Rory endeuillé qui pleure sa bien-aimée dans l'Antiquité, même si nul ne sait si la surprise provient de l'apparition du Docteur, ou de l'accoutrement qu'il porte, fèze et balais en tête, assortiment qui m'a fait penser à l'image d'un sorcier fou. Le Tardis a bien explosé. L'Univers s'est effondré sur lui-même, les failles éradiquant toute la création, passée, actuelle et à venir. Les diverses races qui s'étaient alliées pour mettre hors d'état de nuire le Time Lord ne sont plus que des fossiles temporels. Dans un ciel proposant désormais une nuit sans étoile, seule la Terre demeure encore présente, dernière étincelle d'une vie qui n'existe déjà plus. Sa proximité avec le Tardis la situant au coeur de l'explosion, cela lui fait profiter d'un sursis illusoire.

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Le retrécissement de l'univers permet au Docteur d'utiliser le gadget de River pour facilement voyager dans le temps, manipulant les évènements afin d'essayer de sauver ce qui peut encore l'être. Une bonne partie de l'épisode va se résumer en une innovante expérience narrative, aussi stimulante qu'étrange pour le téléspectateur. Steven Moffat annihile volontairement tout repère temporel, nous délivrant des bribes d'informations venues de toutes époques, tel un puzzle incomplet qu'il resterait à assembler. Tout en conservant le point de vue de ses compagnons, la ligne temporelle du Docteur se brouille sous nos yeux, tandis qu'il s'efforce de réparer une Création brisée.

Le schéma narratif adopté se révèle être une troublante façon de déconstruire nos certitudes traditionnelles. Cependant, ce recours régulier à un futur Docteur conditionnant les actions de nos héros dans la ligne temporelle que le téléspectateur suit, n'échappe pas à un certain effet de répétition. Certes, les directives sibyllines du Time Lord sont toujours des plus intrigantes, l'annonce de sa mort y compris, mais on a aussi le sentiment qu'au-delà de cette pique d'excitation ressenti par le téléspectateur, les clés de l'histoire nous échappent complètement, donnant comme résultat une résolution qui, paradoxalement, se trouve être à la fois excessivement complexe et d'une étrange simplicité. 

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Particulièrement compliqué, tout en conservant une fausse apparence de bricolage rudimentaire, voici les deux qualificatifs qui résumeraient parfaitement l'utilisation des voyages temporels dans The Big Bang. Toute l'intrigue se construit autour d'eux, évacuant finalement avec une aisance presque déconcertante l'emprisonnement dans la Pandorica. Cependant l'intérêt de cette boîte ne va pas se résumer à cette seule fonction ; elle va en effet jouer un rôle clé dans rien moins que la restauration de l'Univers.

L'astuce permettant d'inverser les effets de l'explosion du Tardis remet à nouveau au centre de l'épisode une thématique constante de la saison, celle de la mémoire. Les souvenirs ne se perdent jamais complètement, demeurant tels des empreintes indélébiles à partir desquelles tout peut être reconstruit, semblables à une mémoire génétique. Le Docteur se sacrifiera pour permettre cette forme de "reboot" de l'univers, rendu possible grâce à la Pandorica qui a pu conserver l'essence de ce qui constituait l'Univers d'avant l'explosion.

La "restauration" du Docteur suivra un schéma similaire. Si le souvenir de son existence-même aura été éradiqué au cours du processus, puisqu'il se trouvait au centre de l'explosion, c'est à nouveau par la mémoire qu'il va pouvoir renaître. Cela sera cependant l'occasion d'offrir quelques scènes d'adieux émouvantes, alors même que le téléspectateur a pleinement conscience qu'un ultime twist aura lieu, tout cela ne pouvant se finir ainsi. Mais les quelques mots qu'Eleven glisse à une Amy enfant, endormie dans sa chambre, prendront un tournant émotionnel vraiment poignant, qui doit beaucoup à la fantastique prestation de Matt Smith.

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Si la construction de l'épisode m'a laissée une certaine frustration, le recours aux tourments des paradoxes temporels m'ayant paru un peu excessif dans la première partie, ce sentiment se mêle cependant à l'excitation générée par cette écriture à l'envers, d'un scénario stimulant où tout s'entremêle avec beaucoup de piquants. Certes, cela n'est pas toujours pleinement homogène, mais, au-delà de l'intrigue principale, la grande valeur de The Big Bang réside dans les instants magiques dont il regorge.

Steven Moffat aime accorder un soin particulier aux détails, s'assurer de petites créations ou reconstitutions, à la marge, qui vont marquer un épisode et permettre sa pérennité dans la mémoire collective des fans. De scènes incontournables (comme l'arrivée du Docteur dans un accoutrement ridicule devant un Rory choqué et endueillé) en répliques cultes (telle "Feezes are cool"), d'échanges mémorables (le Docteur, en train de disparaître, à côté du lit d'Amy enfant) en petites informations "mythiques" du plus bel effet (la légende du soldat romain protégeant la Pandorica à travers les siècles), il est nécessaire de souligner à quel point The Big Bang réussit particulièrement bien cet aspect.

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En somme, ce series finale résume toutes les forces, mais aussi les quelques faiblesses, d'une saison 5 que j'aurais au final beaucoup appréciée. Le one-man-show offert à Matt Smith aura tenu toutes ses promesses ; il n'y a plus de qualificatifs assez dithyrambiques pour exprimer avec quelle réussite et quelle autorité cet acteur se sera progressivement affirmé au fil de la saison. Magistral de versatilité, riche en nuances et en paradoxes, mêlant légèreté et côté plus sombre, il aura paradoxalement, à terme, fait un peu d'ombre à ses compagnons. Non pas qu'Amy soit un personnage inintéressant, carelle forme un duo détonnant avec le Docteur ; mais dans les derniers épisodes, je ne pouvais m'empêcher d'attendre avec beaucoup d'anticipation les scènes où Eleven, seul, pourrait laisser libre cours à sa nature de Time Lord, sans être canalisé. Aussi jubilatoire qu'attachant, Matt Smith aura été à la hauteur du défi qui lui était posé. Bravo à lui.

Steven Moffat aura quant à lui marqué ses distances avec les codes classiques de Russell T. Davies. Il n'aura accepté l'héritage laissé que sous bénéfice d'inventaire, et aura entrepris la re-écriture de certaines des conventions de la série. Sous son impulsion, Doctor Who s'est rapproché d'une féérie fantastique, où le merveilleux se dispute à une facette sombre qui ne saurait être occultée. La série aura ainsi souvent exploité l'esprit des contes de fées, se plaisant à stimuler l'imaginaire d'un téléspectateur conquis par cette atmosphère magique.

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La conclusion de cette saison 5 constitue une nouvelle étape dans la réappropriation de cette mythologie par Steven Moffat. En effet, ce series finale n'est pas une véritable résolution. Il laisse au contraire en suspens plus d'interrogations que de réponses, ouvrant déjà les pistes principales de la sixième saison. Le Docteur a certes empêché la fin de l'Univers, mais il ignore ce qui a pu entraîner le Tardis en 2010 et provoquer son explosion. Il ne sait pas quelle force agit ainsi dans les coulisses de la Création, quelle est cette voix qui appelle au "silence". Le fil rouge de la saison n'est qu'une bataille dans une guerre plus vaste qui reste à conduire. En cela, Steven Moffat rompt avec les habitudes de son prédécesseur : la saison 5 ne constituera pas à un tout. Plus ambitieux, c'est un arc global trans-saisons que le scénariste veut construire.

Et dans cet arc global, un autre personnage appelé à jouer un rôle central sera assurément River Song. Figure entourée de mystères, elle et ses "spoilers" auront une place dans la saison à venir, qui apportera peut-être quelques unes des réponses tant attendues la concernant, à commencer par savoir qui elle est et comment le Docteur et elle se sont rencontrés. Est-elle liée, d'une façon ou d'une autre, au "silence" ?

La saison 5 se conclut donc avec presque autant d'incertitudes en suspens qu'au cours de la saison. Il reste cependant une satisfaction, bouclant symboliquement le voyage initiatique entamé lors du premier épisode : le mariage de Amy et Rory a bien lieu, à la date prévue. Chacun a désormais mûri à travers les évènements de la saison : il marque une entrée dans la vie adulte, mais, signe d'une paix intérieure, d'une maturité nouvelle, il n'entraîne pas une rupture avec l'appel au fantastique émanant de l'univers du Docteur. La réalité et le merveilleux ne sont plus antinomiques, comme ils l'étaient par le passé. Le jeune couple a embrassé ce monde ; leur décision de suivre le Docteur, à la fin de l'épisode, en est l'illustration.   

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Bilan : Dans ses forces comme dans ses faiblesses, The Big Bang est un épisode s'inscrivant pleinement dans la lignée de la saison. Étrangement déstabilisant dans sa construction narrative, stimulant dans son enchaînement des évènements, marquant par les petits détails et autres répliques cultes dont il regorge, il porte l'empreinte de Steven Moffat jusque dans sa résolution, en rupture avec le schéma traditionnel des series finale de Doctor Who. Ouvert sur la suite, il poursuit la construction d'une mythologie autour de ce "silence", autour de River Song également. Une mythologie au sein de laquelle l'explosion du Tardis n'est qu'une péripétie parmi d'autres. Ce dernier choix scénaristique ambitieux ne fera sans doute pas l'unanimité, mais je garderai un bon souvenir de cette saison 5, illuminée par un Matt Smith absolument fantastique dont il faut louer et applaudir les performances.

Et dire qu'il va désormais falloir attendre Noël !... Mes semaines téléphagiques à venir vont me sembler bien vide.


NOTE : 9/10

26/06/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 12 : The Pandorica Opens

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Première partie du double épisode final, The Pandorica Opens réunit les différents fils conducteurs de la saison autour de la fameuse boîte mythique, tandis que la "prophétie" annoncée se réalise. Surprenant par son intensité et sa richesse, tant dans son contenu que dans ses tonalités, c'est un petit bijou d'épisode qui nous est offert par Steven Moffat. Le tour pris par ce fil rouge se révèle être une initiative ingénieuse, si bien qu'au sortir de ces 40 minutes proprement jubilatoires, le téléspectateur n'espère qu'une chose : que la seconde partie s'inscrive dans cette droite lignée et que Doctor Who conclut sa saison 5 sur un magnifique finale à la hauteur d'une saison 5 qui aura recelé de scènes et dialogues mémorables.

(Pour l'occasion, je vous avoue qu'il m'a été difficile de trier parmi mes screen-captures, mais profitons plutôt pleinement de cet avant-dernier épisode.)

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Le pré-générique constitue à la fois une forme de bilan et un bel hommage à l'ensemble de la saison et aux personnalités extérieures qui ont pu bouleverser le quotidien du Docteur. L'épisode s'ouvre en effet sur un long passage de témoins, entre les différents protagonistes majeurs croisés depuis dix épisodes, afin de faire parvenir au Docteur un objet qui ressemble fort à un avertissement.

Tout part de Vincent Van Gogh, figure décidément incontournable, dont la perception particulière des choses lui permet de recevoir des images traumatisantes, qu'il retranscrit dans un tableau. Ladite peinture est découverte, quelques décennies plus tard, par les Alliés, durant la Seconde Guerre Mondiale et, authentifiée comme un Van Gogh, arrive jusqu'à Churchill, qui identifie immédiatement le destinataire du message contenu dedans. Le Premier Ministre britannique ne réussit cependant pas à contacter le Docteur à travers son téléphone "spatio-temporel", mais il tombe en revanche sur River Song  dans sa prison. Le temps d'une évasion et d'une récupération de tableau plus tard, avec cambriolage dans un musée et rencontre avec Liz X, l'inoubliable "bloody Queen", et voilà River en route pour établir un contact avec le Docteur afin de lui remettre cet objet qui traverse les siècles, les millénaires même, sous l'impulsion de ses amis.

Pour le téléspectateur qui assiste à cette union, par-delà le temps et l'espace, d'inconnus dont le seul dénominateur commun est le Docteur, cette introduction s'apparente un peu à une récompense pour l'intégralité de cette saison 5. Au-delà de la trame narrative utilisée en fil rouge, c'est l'occasion de souligner à quel point tout s'emboîte et chaque pièce du puzzle paraît naturellement prendre sa place.

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Finalement, River "vandalisera", dans son style inimitable, la montagne sur laquelle est supposée inscrite la plus vieille écriture de l'univers, donnant rendez-vous au Docteur dans l'Antiquité, dans une Angleterre à l'époque occupée par les romains. Sous ses atours de Cléopâtre (rien de moins), l'énergique aventurière a établi ses quartiers dans le camp militaire d'une légion.
Elle remet  alors (enfin) la tableau au Docteur. Si le message exprimé y est inquiétant, cela n'apprend rien à ce dernier qu'il ne connaîtrait pas déjà sur le sort du Tardis. L'explosion qui va déstabiliser l'univers, créant ces failles spatio-temporelles que l'on subit depuis le début de la saison, le Docteur en connaît déjà l'origine : son vaisseau. La peinture de Van Gogh en est une représentation. Sans en donner la cause, elle contient cependant une indication spatio-temporelle supplémentaire, cette Angleterre antique.

Mais bien plus que ce qu'il sait ou devine, ce qui inquiète le Docteur, c'est ce qui semble lui échapper avec constance. Si l'appel de cette boîte mythique qu'est la Pandorica est parvenu jusqu'à Van Gogh, comment se fait-il que lui, Time Lord, n'est rien ressenti ? Comment se fait-il qu'il ne perçoive toujours rien alors que nombre de ses ennemis semblaient, cette saison, connaître un élément qui demeure insaisissable ? Il lui manque une pièce fondamentale du puzzle, et il en est chaque épisode plus conscient et plus inquiet.

C'est pourquoi "tout cela n'a pas de sens" semble la réplique résumant l'état d'esprit de nos héros durant tout cet épisode déjà passablement agité. D'autant plus que la Pandorica n'est qu'un volet d'une énigme manifestement plus vaste. Le Docteur reste ainsi interdit en découvrant l'arrivée en sauveur, semblable à un parfait soldat romain, d'un compagnon pourtant tombé au champ d'honneur, Rory. Le jeune homme apparaît fidèle à lui-même, vivant, mais... romain. Les interrogations s'enchaînent, sans que le Time Lord ne parvienne à apporter la moindre réponse. C'est une certaine frustration qui culmine ainsi dans un épisode où tout paraît finalement, a posteriori, avoir été une agitation aussi stérile qu'inutile.

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Construit de manière diablement efficace, le mystère s'épaissit au fil de l'épisode, le Docteur étant de plus en plus conscient que quelque chose cloche. Les questions autour de la situation d'Amy, laissées en suspens en début de saison, refont surface avec plus de force : qui était cette enfant curieuse perdue dans cette grande maison... Amy qui a toujours eu une passion pour la période romaine - ou plutôt, les romains - et dont l'histoire préférée de jeunesse était celle portant sur la boîte de Pandorre. Est-ce que cela ne peut être qu'un simple hasard si nos voyageurs se retrouvent dans cette époque fantasmée par la jeune femme, confrontés à un mythe, la Pandorica, qui rappelle étrangement cette légende terrienne ?

Le Docteur ne croit pas aux coïncidences. Mais il est contraint de continuer à réagir en fonction des évènements, sans avoir réellement d'emprise sur eux. Nos trois voyageurs découvrent ainsi les premiers la Pandorica, dont l'ouverture progressive envoie un signal semblable à une surpuissante balise de localisation à travers le temps et l'espace. Encore une inconnue de plus à l'équation qui se joue, car de la légende qui entoure la boîte, le Docteur ne connaît que quelques bribes, qu'il n'avait considéré que comme pure fiction jusqu'à présent.

Cependant, l'évidence s'impose d'elle-même : ce qu'elle contient potentiellement doit assurément attiser la convoitise, pouvant peut-être rompre l'équilibre des forces au sein de l'univers. Or, pendant combien de temps la Pandorica, en amorçant son processus d'ouverture, a-t-elle émis son signal ? Lorsque River scanne l'espace terrien, une fois à Stonehedge, elle découvre, effarée, une planète assiégée de toute part par des vaisseaux... représentant plus ou moins toutes les races que le Docteur a eues à affronter jusque là.

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The Pandorica Opens défie nos réflexes Whonesque, en s'imposant comme un épisode atypique. En effet, il renverse les canons scénaristiques, remettant en cause cette figure du Time Lord souvent quasi-omniscient. Rien ne paraît avoir de sens et le Docteur est, exceptionnellement, incapable de comprendre le tableau d'ensemble qui se dessine sous ses yeux. Il convient de souligner l'admirable maîtrise narrative d'un récit où la tension monte peu à peu jusqu'à la fin. Cette multiplication des questions conduit, de façon naturelle, aux révélations contenues dans un cliffhanger, haletant autant que frustrant, qui laisse le téléspectateur trépignant devant sa télévision.

Si presque toutes les races contre lesquelles a pu se dresser le Docteur se retrouvent en orbite autour de la Terre, ce n'est pas seulement pour offrir au téléspectateur une explosion finale à la mesure du challenge ainsi posé. En effet, soudain, ce sont toutes les certitudes de l'univers whonesque qui vascillent quand est dévoilée la réelle machination à l'oeuvre, prenant à rebours nos anticipations les plus folles. Imaginez l'inimaginable. Une alliance. Entre des êtres que tout opposerait a priori. Pour sauver l'univers de l'anéantissement et, surtout, d'une non-existence effrayante. Une union contre la cause identifiée de leur perte : le Docteur. Ou plutôt son Tardis, dont l'explosion est à l'origine de cet Armageddon.

Par une ambitieuse et brutale ironie, les rôles s'inversent le temps d'une aventure : le sauveur du monde devient son bourreau, tandis que les exterminateurs traditionnels s'emploient à sauver son existence. Quoi de plus jubilatoire et innovant que cet ultime twist scénaristique, superbement amené par Steven Moffat ?

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The Pandorica opens est au final une aventure rythmée, dont le point fort réside surtout dans la richesse d'un contenu attrayant et subtile, maniant, avec une versatilité divertissante, une diversité volatile des tonalités, enchaînant ruptures de rythme et renversements incessants. Cela donne au final des scènes proprement jubilatoires, qui sont un vrai plaisir à suivre.

Parvenant à passer sans accroc du rire aux larmes, de la détente au drame, cet épisode est habilement ciselé. La re-introduction de Rory illustre parfaitement cet irréel passage de l'euphorie à la déception. Si le jeune homme joue les sauveteurs avec panache, les retrouvailles n'ont rien du rêve espéré. Le Docteur met quelques minutes (dans son style inimitable) à se rendre compte de la situation, tandis que les souvenirs d'Amy ne reviennent pas instantanément de manière miraculeuse, quand son regard croise celui de son ex-fiancé. Finalement, Rory s'attèlera à abattre la barrière de l'oubli, pour, malheureusement, finalement mieux nous offrir de déchirants adieux, lorsque tout est révélé.

Enfin, en attendant la suite, il faut souligner que l'épisode recèle de passages mémorables, dans lesquels Matt Smith peut s'en donner à coeur joie, dans un rôle souvent lunaire à souhait, mais démontrant également un panache hors du commun, comme lors de son discours à l'attention des vaisseaux aliens survolant les lieux. 

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Bilan : Episode jubilatoire, sachant passer du rire aux larmes en un instant, The Pandorica opens est une véritable réussite. Cette alliance, inattendue, de tous ses ennemis contre le Docteur, au nom d'une cause commune que le Time Lord partage en réalité, bouleverse les vérités de l'univers Whonesque. Ironique et paradoxale redistribution des cartes que cette conclusion, alors que dans le même temps, River perd le contrôle du Tardis, ne pouvant empêcher l'évènement peint par Van Gogh, redouté toute la saison, de se réaliser.

Ne reste à espérer qu'une chose : que la seconde partie soit dans cette même veine ! Réponse ce soir.


NOTE : 9,5/10

 

13/06/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 11 : The Lodger

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The Lodger correspond à une petite pause proposée aux téléspectateurs, une opportunité pour reprendre son souffle et de se remettre des derniers épisodes riches en émotions, avant d'attaquer l'arc final qui verra la prophétie annoncée en début de saison se réaliser, la Pandorica s'ouvrira. En attendant ces grandes manoeuvres, ce onzième épisode, avec en toile de fond une aventure quelque peu anecdotique, offre au Docteur un terrain d'expression à sa convenance, pour verser dans une sorte de "one-man-show" enthousiasmant. On ne le répètera jamais assez, mais une chose est bel et bien certaine : Matt Smith maîtrise désormais plus que parfaitement son sujet. Et il n'est jamais plus époustouflant que lorsqu'il s'agit d'exposer en pleine lumière la personnalité du Docteur, génie versatile et hyperactif, prompt à se laisser emporter dans ses élans de Time Lord. Bref, sans marquer, The Lodger se révèle être une belle célébration d'Eleven. Peut-être ce qu'il fallait avant d'abord la dernière ligne droite.

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Si le Docteur est sur-exposé dans cet épisode, c'est en partie la conséquence du twist de départ : Amy et lui sont une nouvelle fois séparés. En effet, le Tardis rencontre des difficultés pour se fixer au lieu et à l'époque voulus. Le Docteur ayant mis un nez dehors, le vaisseau, instable, repart sans lui, le laissant la tête dans l'herbe du parc où ils avaient attéri tandis qu'Amy est coincée à l'intérieur. Pris dans une sorte de boucle spatio-temporelle, le Tardis est bloqué dans un entre-deux de turbulences. Pour espérer le stabiliser et ramener Amy sur Terre, il faut identifier et stopper la source de ces troubles. L'épisode ne s'appesantit pas sur cette recherche, qui ne pose pas vraiment de difficulté au Docteur, bien aidé par des tours de passe-passe temporels.

Le problème provient du premier étage d'une maison de banlieue pavillonnaire quelconque. Ne sachant à quoi s'attendre, privé de l'assistance du Tardis et ne devant surtout pas se regénérer dans l'aventure au risque de voir le Tardis se perdre avec Amy, le Docteur est contraint d'adopter une tactique d'infiltration plus subtile qu'à l'accoutumée : il répond à une offre de collocation pour louer une chambre dans l'appartement du dessous. En raison de cette approche moins directe et de l'isolement relatif du Docteur, The Lodger va donc se rapprocher des épisodes qui ont pu par le passé mettre en scène une forme d'infiltration. Le Docteur doit découvrir ce qui se cache à l'étage, sans éveiller les soupçons, ni l'attention du résidant du dessus. Le téléspectateur est bien conscient qu'il s'agit d'un prétexte scénaristique sans doute un peu facie, mais l'enjeu de l'épisode en dépend : ce qui intéresse le scénariste, ce sont les efforts d'adaptation du Docteur. Ses essais pour suivre un quotidien et un mode de vie humain le plus normal possible vont constituer l'attraction principale de ces quarante minutes, d'où ma qualification, par moment, de "one-man-show". 

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On retrouve, dans ces efforts de socialisation avec de nouveaux compagnons le temps d'une aventure, la petite touche de folie qui avait marqué l'introduction d'Eleven au cours du premier épisode de la saison. Ce ressenti ne provient pas seulement du fait que c'est la première fois depuis 10 épisodes que le Docteur met les pieds dans une cuisine pour nous concocter une de ces préparations culinaires dont il a le secret - et qui, en dépit de la manière de la concevoir, se révèlera bonne. Globalement, la dynamique avec son colocataire prend parfaitement, si bien qu'on retrouve un faux air de première rencontre avec Amy Pond. A croire que la solitude sied d'une certaine façon au Docteur, permettant à sa personnalité excentrique de se manifester et de s'épanouir pleinement, sans être contrebalancé par une présence pouvant le catalyser comme celle d'Amy.

Tout cela ressort au contact des nouvelles rencontres qu'il peut faire, nous offrant des passages proprement jubilatoires où le Docteur est absolument génial. Si je ne devais retenir qu'une seule chose de cet épisode, c'est l'opportunité qu'il offre d'explorer plus en avant et de pleinement apprécier cette personnalité complexe du Time Lord. Les scènes enthousiasmantes ne manquent pas. Dès la première rencontre avec son futur colocataire, sur le palier de la porte d'entrée, le ton est donné. Le Docteur s'impose naturellement, monologuant au gré de ses pensées. Les échanges entre les deux hommes sont juste hilarants, et vont garder ce côté décalé pour le reste de l'épisode. La collocation, quelle merveilleuse invention. Le Docteur dans la cuisine, le Docteur dans la salle de bain, le Docteur s'immisçant dans les projets amoureux de son nouvel ami... Le scénario exploite pleinement la situation, faisant le tour de toutes les péripéties les plus cocasses que cela pouvait générer. Et, peut-être en clin d'oeil à l'évènement sportif du mois, le Docteur va même jusqu'à s'essayer -avec un certain succès- au football ! Bref, est mis en scène un ensemble de scènes du quotidien, d'une telle normalité que leur étrangeté n'en est que plus accentuée tant elles sont inhabituelles pour notre excentrique Time Lord. Cela donne d'excellents moments de télévision.

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Un peu écrasée par la performance, l'intrigue du jour peinera tout au long de l'épisode à atteindre sa pleine envergure. Sans doute parce qu'en dépit de son omniprésence, elle peine à retenir notre attention. En effet, si les contacts intermittents avec Amy et les bruits venant du dessus constituent un rappel nécessaire et constant de la dangerosité de la situation, on ne s'inquiète jamais réellement de l'issue de l'aventure. Certes, cette saison a déjà prouvé qu'elle savait nous surprendre, mais le téléspectateur ressent bien que The Lodger est un épisode de transition, une bulle d'air frais en guise de parenthèse, permettant de se reposer avant de s'attaquer à l'enjeu majeur de la saison, ces craquelures spatio-temporelles qui fragmentent l'univers.

La résolution de l'intrigue va suivre le même état d'esprit. Tout d'abord, il y a la révélation expresse de ce qui est en train de se produire au colocataire. Avouons que le partage télépathique d'informations, c'est un procédé bien pratique : une facilité pour le scénariste  qui a un grand avantage, cela permet d'expédier toute cette phase d'explication et de digestion des informations en quelques secondes, balayant toutes les questions potentielles du colocataire qui sait désormais tout ce qu'il y a à savoir. Le voilà donc catapulté sans plus de cérémonie assistant "temporaire" du Time Lord, le temps d'une aventure sans lendemain, ce qui justifie cette rapidité d'exécution : inutile de s'appesantir sur le moment anecdotique de la révélation.

Le danger alien du premier étage se révèla être finalement un vaisseau alien en perdition, auquel le système de survie recherche désespérément un pilote. Il grille - au sens littéral du terme - les passants happés dans la rue, à essayer de trouver un individu adéquat supportant la charge. Au final tout est expédié rapidement sans que cela paraisse une issue majeure; Le colocataire aura eu son utilité grâce à son amour pour la sédentarité - et pour la belle demoiselle à laquelle il peut enfin déclarer sa flamme. Le vaisseau alien en perdition se désagrègera (révélant l'absence de premier étage dans la maison). Et le Tardis pourra enfin se poser, avec une Amy assez secouée à son bord... Happy end. En somme, jusque dans cette résolution peu travaillée, on perçoit bien que l'enjeu de l'épisode est ailleurs.

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Episode de transition, The Lodger est une occasion de se concentrer sur le Docteur, et de savourer le fait que la série détient un des personnages principaux les plus enthousiasmants, complexes et fascinants du paysage téléphagique actuel. Et j'avoue que mettre en valeur cet aspect est  une chose que j'apprécie au plus haut point. La séparation d'Amy, très en retrait, n'est pas préjudiciable à l'équilibre de l'histoire, car c'est cette absence relative qui permet  au Docteur de faire étalage, de façon si marquée et sans contrôle, de ses réflexes de socialisation véritablement jubilatoires. Au fond, explorer plus avant et se concentrer sur les petits détails de la personnalité délicieusement excentrique du Docteur est une façon de masquer les faiblesses de l'intrigue principale, aventure un peu anecdotique que le téléspectateur relègue inconsciemment rapidement au second plan durant l'épisode. The Lodger demande simplement à ce que l'on profite de l'ambiance qui se dégage de l'ensemble.

Avant la dernière ligne droite de la saison, cet épisode est une piqûre de rappel savoureuse, rappelant au téléspectateur tout le plaisir qu'il y a à suivre notre Time Lord favori, dans ses vives réparties comme dans ses nombreuses contradictions qui l'animent. Et c'est aussi une façon d'offrir à Matt Smith un magnifique terrain d'expression à sa convenance, en saluant sa performance tout au long de la saison. Car, si son jeu vaut tous les superlatifs, il faut aussi souligner à quel point l'acteur n'est jamais aussi bon que quand il met pleinement en scène le comportement versatile et dynamique de son personnage. Dans cet épisode, il frôle la perfection.

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Bilan : The Lodger est un épisode de transition qui, avec son aventure un peu anecdotique en arrière-plan, se révèle finalement être un bel hymne au Docteur, lui donnant l'occasion de laisser sa personnalité s'exprimer sans retenu. Ces quarante minutes sont un condensé de scènes jubilatoires, de prétextes à des réparties et échanges décalés savoureux. Ce n'est pas un épisode dont l'apport marquera la saison 5, mais c'est une paranthèse très plaisante et un choix qui peut se justifier alors que la série amorce le virage pour rentrer dans sa dernière ligne droite.


NOTE : 8/10


L'arc final débute la semaine prochaine, The Pandorica Opens :

10/06/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 10 : Vincent and the Doctor


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Avec Vincent and the Doctor, la saison 5 de Doctor Who propose ici un de ses épisodes les plus maîtrisés et aboutis de l'année. A la découverte d'une figure historique et culturelle, on y retrouve cette ambiance troublante d'ambivalence, entre happy end et fatalité, constante très intéressante de la saison. Épisode tour à tour prenant, touchant, émouvant et drôle, le téléspectateur passe un excellent moment devant son petit écran.

Et puis, mine de rien, on peut commencer à esquisser quelques réflexions sur cette saison. Nous en sommes déjà (!) au dixième épisode, la fin approche à grands pas. Pourtant ai-je l'impression de ne pas voir la saison passer ? Je dois avouer que je savoure de façon hebdomadaire sans le moins du monde me projeter vers le season finale. Ça, c'est généralement plutôt bon signe dans une série !

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L'épisode s'ouvre sur une balade anecdotique de notre duo au Musée du Quai d'Orsay à Paris. Amy ignore qu'elle vient de perdre un être cher, et le Docteur, ne pouvant détacher ses pensées de cette tragédie, réalise tous ses rêves, comme pour essayer à sa manière de compenser, d'offrir ce réconfort dont Amy doit avoir, au moins inconsciemment, besoin. C'est ainsi que nos voyageurs visitent l'exposition consacrée à Van Gogh, présentée par un guide touristique fabuleux, Bill Nighy qui s'invite avec classe et superbe pour quelques scènes. Le Docteur s'arrête cependant devant le tableau d'une église. A une des fenêtres est dessinée une étrange silhouette qui interpelle instinctivement le Time Lord, tous ses sens en alerte. Ce n'est pas une ombre anonyme sortie du cerveau tourmenté du peintre, mais bien un danger. Il prend donc la décision d'enquêter sur cette créature...

Un renseignement chronologique plus tard, Amy et le Docteur débarquent donc en juin 1890, à la rencontre de Van Gogh, moins d'un an avant que le célèbre peintre ne mette fin à ses jours. Menant une vie de marginal, ses peintures invendues traînant chez lui, production pour laquelle son talent n'est pas reconnu, il accumule les dettes au café du bourg, incapable de les payer, personne n'acceptant ses "croûtes" comme monnaie d'échange. Paria naturellement méfiant, instable et versatile, Van Gogh offre une première rencontre à la hauteur des attentes du téléspectateur. C'est une constante de la série, les premiers échanges entre le Docteur et des personnages historiques, toujours dotés d'une forte personnalité, provoquent invariablement des étincelles et donnent lieu à des répliques cinglantes souvent jubilatoires. Celle-ci ne déroge pas à la règle, fausse bataille d'égo entre deux figures qui ne se laissent pas facilement démonter. Il faut le charme et la spontanéité d'Amy, source de bien des apaisements, pour prendre la voie médiane de la transaction.

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Quelques minutes seulement passées dans cette bourgade confirment au Docteur tous les soupçons qu'il pouvait avoir sur l'existence d'une créature dangereuse qui y sévirait. Plusieurs villageois sont morts. Or, nos deux voyageurs, raccompagnant finalement le peintre chez lui après avoir été chassés à ses côtés du lieu où le cadavre de la dernière victime a été retrouvé, découvrent pourquoi le tableau représentait la menace. Tout aussi haut en couleur et instable mentalement, ce n'est pourtant pas la folie qui lui fait voir charger cette créature invisible qui existe bel et bien, laissant sur son chemin un sillage de mort. Sa vision unique du décor qui l'entoure - ce que retranscrit en partie ces tableaux - lui permet de percevoir ce qu'un oeil normal, d'humain comme de Time Lord, ne peut capter.

Cette créature est évidemment extraterrestre. La façon dont elle est traitée suit un schéma classique pour la série. Il y a tout d'abord l'identification du danger, au moyen d'un improbable outil de reconnaissance qui traînait dans le vide-grenier du Tardis depuis des années. La première confrontation est évidemment compliquée, et le sauvetage in extremis. Tout cela se déroule dans une relative insouciance, l'humour se mêlant naturellement à l'ensemble, témoignant du fait que l'importance de l'épisode réside bien plus dans la rencontre avec Van Gogh et toute la symbolique à laquelle elle renvoie, plutôt que dans cet énième affrontement avec un dangereux alien. Enfin, vient l' affrontement final dans cette église où le monstre apparaissait sur le tableau exposé au XXIe siècle. C'est Van Gogh qui sauve nos deux voyageurs d'une situation compliquée, réussissant finalement à tuer la créature en se servant du fait qu'il est le seul à la voir.

Pourtant, cette conclusion est une fausse happy end, à l'image de bien des épisodes dans cette saison 5. Le Docteur révèle ensuite que cette créature avait été abandonnée par les siens, car elle était aveugle. Elle tuait au hasard, en chargeant, probablement parce que cette situation lui était insupportable. Van Gogh semble à ce moment-là ressentir presque une forme d'empathie, ou du moins de compréhension du comportement si dangereux qu'elle a eu. Cette fin garde donc un goût doux-amer qui reflète la tonalité d'ensemble de l'épisode.

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Car cet épisode, chargé d'une mélancolie sous-jacente, nous propose finalement une forme de deuil. Ce recueillement, dont la faille spatio-temporelle nous aura privé en effaçant Rory de la mémoire d'Amy, va se vivre à travers le destin déjà scellé du génie qu'était Van Gogh. Car Amy, sans y prendre garde, avec une insouciance presque condamnable, s'attache à cet homme. Elle espère en secret pouvoir changer quelque chose, empêcher ou du moins reculer la tragédie déjà programmée. Elle n'a pas de souvenirs de Rory, pourtant, tout au fond d'elle, quelque chose est brisé. Van Gogh le perçoit, lui. Elle se contente, elle, de réagir à un ressenti qu'elle ne peut exprimer, essayant, espérant apporter ce petit quelque chose qui rallongerait la vie du peintre.

C'est au fond l'objectif secret du voyage dans le futur que le Docteur offre à la fin à Van Gogh. Nos deux amis lui permettent de découvrir sa renommée posthume et ce qu'il laissera aux générations futures. En accédant à la postérité après sa mort, il gagnera une forme d'immortalité. Non, il ne sera pas oublié. Oui, son talent sera un jour reconnu, célébré même. Mais cette incursion dans le futur, si elle l'émeut profondément, ne changera pas l'histoire. D'ailleurs le Docteur aurait-il cédé à l'impulsion d'Amy s'il avait pensé un instant que cela pourrait remettre en cause un élément sans doute à jamais fixé dans la ligne temporelle, le suicide de Van Gogh ? Il y a une fatalité, une immutabilité, dans cette fin tragique.

Ses espérances déçues, Amy semble affectée, mais le Docteur lui délivre un discours  comme toujours chargé d'une vitalité qui reboosterait quiconque. Ils lui ont offert de belles choses, lui permettant d'entrevoir quelque chose au-delà même de sa mort, n'est-ce pas déjà précieux ?

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Dans cette ambiance qui oscille entre une légèreté de façade et une thématique plus pesante en arrière-plan, ce qui frappe peut-être le plus durant l'épisode, c'est l'omniprésence, latente la plupart du temps, de la mort. La symbolique des tournesols, sur lesquels Amy insiste lourdement, est à ce titre particulièrement révélatrice et forte. Ce n'est pas un épisode "classique" suivant le décès d'un personnage, mais nous sommes projetés dans une zone trouble, une espèce de "faux deuil", perceptible sans être exposé au grand jour. L'inconscient d'Amy pleure son fiancé oublié. Le Docteur est plus prévenant que jamais, la conduisant là où elle le souhaite, essayant de la satisfaire. Mais, lui-aussi, souffre en secret d'une situation dont il se sent responsable. Son lapsus, lorsqu'il lâche tout haut le prénom de Rory, montre bien à quel point ce dernier occupe encore ses pensées.

La force de l'épisode est finalement de parvenir à conserver omniprésent un souvenir qui n'est plus et ne peut plus être énoncé à voix haute. Derrière les apparences, s'opére un travail de deuil  silencieux. Ce caractère implicite se révèle peut-être encore plus touchant encore qu'un traitement classique, sans doute parce qu'il joue sur la fibre émotive du téléspectateur, qui se retrouve à ressentir les regrets non formulés par les personnages, à commencer par Amy.

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Car cet épisode est effectivement chargé de regrets, une continuation inavoué du drame qui s'est vécu et sur lequel on ne peut faire le travail de deuil attendu. L'intrigue fil rouge des failles spatio-temporelles est d'ailleurs mise entre parenthèses. Aucune mention n'y est faite, aucun indice n'apparaît. Au fond, cela paraît logique. Il n'y a plus besoin de justifier de son importance, cette craquelure fatale est dans tous les esprits, du téléspectateur comme du Docteur. Tout le monde a saisi ce qui est à l'oeuvre, inutile d'y revenir pour le moment. Elle s'efface donc presque pudiquement afin de permettre à chacun d'apprécier cette aventure, mais aussi, en son for interne, de dire au revoir à Rory.

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Billan : Vincent and the Doctor est un épisode subtile, riche en ambivalences et en émotions. L'aventure est classique mais rythmée, elle se suit de façon plaisante. Cependant l'enjeu véritable est ailleurs. Alternant les touches fantaisistes pleines de légèreté et les moments plus touchant, l'épisode nous amène à la découverte d'un peintre à la destinée tragique, artiste mal aimé en son temps auquel nos deux voyageurs tenteront d'apporter une brève paix intérieure. Mais dans le même temps, s'opère un travail de deuil implicite à la fois troublant et touchant. Il s'agit incontestablement d'une réussite, petite mine d'or dans laquelle on retrouve tout ce qui fait la série. Cela se savoure sans modération.


NOTE : 9,5/10


La bande-annonce du prochain épisode :